quinta-feira, 9 de junho de 2016



   L'état d'Ernest est grave, mais stationnaire. Le médecin qui vient l'examiner le questionne sur les secrets de son écriture et Ernest lui répond. Lorsque Ernest dit que le silence st préfárable à la parole, le médecin s'étonne: Qu'apporte le silence, et pourquoi est-il préférable à la parole, qui fait le lien entre les hommes?
- Le silence est l'expression absolue, dit Ernest.
- Mais il reste muet", dit le médecin, heureux d'avoir trouvé les mots justes.
   Il lève la tête, observe Ernest et pense: Cet homme est si malade, et pourtant il n'est pas perdu dans le monde. Il ne prêche pas, ne fait pas semblant d'être un érudit, il travaille, et est heureux dans son travail.
   Il semble à Iréna que l'humeur d'Ernest est stable à présent et que ses pensées sont tranquilles. Il ne renonce pas à s'asseoir à son bureau. Dès qu'Iréna croit apercevoir l'ange de la Mort tapi près de la fenêtre, elle se lève et la chasse, comme on chasse un oiseau de proie.
   Ils passent des heures assis, ensemble, et se taisent la plupart du temps. Iréna est à présent plus sûre que jamais que la vie d'Ernest se poursuivra bien au-delà de ce printemps au ciel clair et à la douce chaleur qui se fondra dans l'été, et de là vers l'automme et l'hiver, pour revenir encore.
   Lorsque Ernest écrit une phrase, il aspire de toutes ses forces à lui donner la forme la plus achevée. S'il est satisfait d'un passage ou d'une page, son visage s'éclaire. Iréna connaît chaque signe de cette joie qui le rajeunit d'un coup.
   Plus que jamais importe à Ernest que son écriture soit claire, ordonnée, sans quoi que ce soit de superflu, ni d'exagéré (...).
   Mais à présent Iréna est avec lui. Sa présence est la porte vers la vie. Près d'elle, chaque mot recherché ou précieux semble gtossier. À présent il n'emploie que des mots à l'intérieur desquels on peut voir, des mots qui n'ont pas un double sens, que l'on peut poser comme une tranche de pain ou un pot de lait.


  Appelfeld, Aharon. L'amour soudain. S/c.: Éditions de l'Olivier/ Le Seuil, 2004, pp. 203 - 205.
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