terça-feira, 16 de fevereiro de 2016


     Dans cet Essai sur l'extériorité, Levinas va entreprendre de briser le cercle da la totalité, la domination de la tautologie qui, à ses yeux, paralysent la philosophie occidentale et, lui fermant l'accès à l'autre, en font une tradition du totalitarisme. En gros, sa bête noire, c'est Hegel, philosophe d'un État fort, modèle des États fascisants, et du dernier Reich allemand. Et, dans la préface à l'édition allemande du livre, il rend hommage aux philosophes qui lui ont fourni les instruments de cette délivrance: Martin Buber, philosophe du dialogue; Gabriel Marcel (...); Bergson (...) et Franz Rosenzweig (...).
   Levinas y reproduit une partie des raison qui ont motivé son enthousiasme pour la phénoménologie, notamment son abandon d'une forme de raisonnement physico-mathématique, de rationalisme englobant tel qu'il avait dominé jusqu'alors la philosophie et surtout la philosophie française et sorbonnarde, sous l'impérium de Léon Brunschvicg (...).
     Levinas cite ces penseurs, mais il ne fournira pas d'application terme à terme de leurs retrouvailles: il les traite de la même manière que les aures figures de l'histoire de la philosophie, comme des références, en l'occurrence des points de départ, fournissant une analyse approfondie de leur thématique seulement lorsqu'elle sert à tirer au clair son propos personnel.
(...) Si la tentation de tout ramener au même, selon la suprématie de l'être, aboutit à la violence des philosophies totaliaristes hégélienne ou heideggérienne, la philosophie de l'altérité que Levinas entreprend de dessiner ne pourra conduire, paradoxalement (l'altérité n'étant pas antagonisme mais réponse), qu'à la paix (...) Ainsi se trouvent réunies dans un seul ouvrage toutes les problématiques soulevées dans ses écrits antérieurs: l'adoption de la méthode phénoménologique, la contestation du primat de l'ontologie et du parallélisme noése-noématique, la rupture avec les philosophies de l'identité au profit d'une philosophie de l'altérité, sans oublier sa toute première interrogation, l'inquiétude juvénile issue des romans russes, sur le sens de la vie.
(...) Le problème de Levinas est de définir et de décrire une extériorité positive, absolue, qui ne soit pas que l'envers dialectique de l'intériorité, et cela afin de sortir de la dialectique de même et de l'autre que maintient toute métaphysique dans l'ornière de l'unité et de l'identité, de la puissance, donc de la guerre et de la violence. Il y parvient grâce à la phénoménologie et la possibilité qu'elle offre de penser positivement l'absence, donc, en l'occurrence, l'excès de idée sur l' ideatum, une absence, un excès, un au-delà positifs qu'il va illustrer par le langage et, plus exactement par le dialogue dont il soutien qu'il ne peut avoir lieu que dans le cadre d'une diachronie qui suscite à jamais la parole de l'un à l'autre en raison de leur séparation dans le temps, qui rend l'autre inaccessible à l'un, et ce dernier en conséquence toujours parlant à l'autre...


  Lescourret, Marie-Anne. Emmanuel Levinas. Paris; Flammarion, 1994, pp 212 - 214.
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