sexta-feira, 20 de fevereiro de 2015

   Ernest lutte avec sa vie et son écriture. Il ne peut changer sa vie, mais il souhaite donner à son écriture une nouvelle forme. Ce ne sera plus une description d'ambiance lourde de détails mais rien que le nécessaire absolu. Pendant longtemps il a souhaité écrire sur l'homme, l'homme en lui-même, sans aucun trait ethnique. Ses héros (...). Ils se battaient pour la justice, la fidelité et la pureté. Depuis l'arrivée d'Iréna, beaucoup de choses ont changé dans sa vie. Toutes ces années il a tenté de fuir sa vie, de l'ignorer, de construire sur le des tours géantes. À présent, elle s'élève vers lui telle une ombre, et il sait qu'elle demande réparation (...).
   Iréna sait qu'il n'y a rien de tel qu'une soupe de légumes pour le tirer de l'obscurité. Son combat contre la mélancolie est un combat violent. Avant, il passait parfois des journées entières au lit, mais Iréna ne lui permet plus d'être dépendant de ses douleurs. Elle invente toutes sortes de ruses et de charmes pour l'attirer vers la table. Elle croit qu'une bonne nourriture peut le sortir de sa détresse.
   Parfois, pour lui faire plaisir, elle met son chemisier brodé et la jupe assortie à la broderie, se maquille et porte des boucles d'oreilles. Ernest est três heureux de voir Iréna en habits de fête.
   Souvent, témoin de son combat, elle veut lui dire: Je ferai tout ce que tu me demanderas de faire. Ernest refuse la plupart du temps d'être assisté, même lorsqu'il est faible (...).
   Lorsque Ernest revêt son costume gris et son manteau d'hiver, noue autor de son cou une écharpe de laine fine et dit "Au revoir", Iréna ressent avec une fierté dissimulée que ses actes ont porté leurs fruits, et elle demeure longtemps enveloppée par cette joie.


  Appelfeld, Aharon. L'amour soudain. S/c.: Éditions de l'Olivier/ Le Seuil, 2004, pp 63 - 64.
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